Récit de Jonathan Salamon : partie 3 Quand le travail paie
Publié il y a 7 ans • par Jonathan Salamon• Catégorie : (Re)devenir pro par Jonathan SalomonAcquérir une nouvelle connaissance, c’est un peu comme lancer une pierre dans un lac. Imaginons que la connaissance est une pierre, et que vous êtes un lac. Allez, un petit effort d’imagination ! Vous pouvez choisir une mare, ou un étang, si vous préférez (vous manquez d’ambition cela dit). C’est bon ? Ok.
Donc disons que quelqu’un, au hasard, un joueur de poker qui faisait son footing matinal dans le coin, balance la pierre sur vous. Enfin, pas sur vous, sur le lac. Que se passe-t-il ? Vous avez déjà vu ça. A la zone de l’impact se forme une grosse éclaboussure, un creux, puis des vagues, régulières et concentriques.
Plus la pierre est grosse plus les remous sont amples. Néanmoins, petit à petit, on observe que l’onde de la vague diminue, jusqu’à ce qu’au bout d’un certain temps, elle disparaisse complètement. Quelques secondes après l’impact, quelques minutes parfois si la pierre est très grosse, la surface de l’eau est aussi plane qu’auparavant. Sauf que désormais la pierre est au fond, et la connaissance acquise.
Depuis que j’ai commencé mon challenge, je vous ai parlé plusieurs fois de mon problème de tilt récurrent, et je crois qu’une partie de ce tilt est dû à ce phénomène : l’acquisition de nouveaux savoirs et la variance que cela engendre.
Prenons celui d’il y a trois semaines par exemple, celui sur lequel je terminais mon dernier article. Certes, il y avait de la fatigue, mais pas forcément plus que d’habitude. Ce qui était vraiment différent cette fois-ci, c’est que j’avais pris 3 heures de cours avec Julien, l’un des coachs de la plateforme, et qu’il m’avait conseillé d’apporter pas mal de changement dans mon jeu.
A Malte, Yoh Viral avait retiré toutes les fioritures inutiles. Il m’avait obligé à me poser systématiquement la question de pourquoi je misais. Cette simple adaptation avait stoppé l’hémorragie de mon winrate, en enlevant une partie de pots moyens et gros perdus bêtement. Julien m’a apporté la deuxième étape : me rendre difficile à jouer.
Ensemble nous avons travaillé sur deux points. 1/ l’agressivité dans les pots de 20/30 blindes 2/ mes ranges de 3bet, pour qu’elles ne soient pas constituées que de mains trop bonnes, et donc trop lisibles.
Selon Julien, ces deux points sont fondamentaux pour être gagnant aujourd’hui en petites limites online. Mais inévitablement, inclure cette variété dans mon jeu a généré pas mal de remous : souvent, je me suis retrouvé dans des spots que je ne connaissais pas, avec des mains qui je n’avais pas l’habitude de jouer, à ne plus savoir quoi faire.
Un exemple représentatif
Perdre ce genre de coup a un impact très négatif sur le mental. Non seulement parce qu’on sait qu’on a mal joué, mais en plus, parce qu’habitué à naviguer dans la zone de confort d’un jeu solide, on sait très bien qu’on ne se serait jamais retrouvé dans ce spot une semaine plus tôt. Alors, en plus de l’argent perdu sur des erreurs techniques vient s’ajouter une déstabilisation émotionnelle qui n’arrange rien. Je crois que tout cela a été l’une des raisons de ce gros tilt fin août qui a complètement planté mon mois.
La bonne nouvelle, c’est que le lac finit tôt ou tard par absorber les vagues, et qu’après quelques jours d’adaptation, j’ai enfin commencé à apprivoiser ces nouveaux éléments de mon jeu. Et depuis que l’eau est calme et que la connaissance nouvelle est acquise, je déroule…
Les deux dernières semaines de grind
17 caves gagnées depuis mon dernier article ! 17 caves en deux semaines et 27000 mains. Non seulement mon objectif de volume (+20000 mains) a été accompli, mais en plus, les résultats sont là, avec un beau winrate de 6bb/100 !
J’avais tellement pris l’habitude d’avoir des difficultés depuis que j’ai repris le poker il y a quelques mois que je suis presque surpris de constater que le travail paie, enfin. Aussi bien mentalement que techniquement, j’ai le sentiment d’avoir fait beaucoup de progrès.
Vous vous souvenez de la partie technique ? Elle est de retour ! Pour tous ceux qui ne savent pas ce qu’est un 3bet, vous pouvez tranquillement et sans regret passer la partie verte…
Techniquement tout d’abord. Je continue à me gaver de vidéos, à faire mes revues de session, et à me faire coacher. Outre les deux adaptations dont j’ai parlé plus tôt, c’est sur l’adaptation spécifique à chaque profil de joueur que j’ai beaucoup travaillé récemment. Auparavant, je rangeais mes adversaires en deux catégories : les récréatifs, et les reguliers. Contre chaque type, j’avais ma stratégie prédéterminée. Et même si pour une première approche, ça avait de l’intérêt, je constate aujourd’hui qu’elle manquait de finesse.
A l’intérieur du pool des récréas, on trouve des hyper aggressifs, des mecs qui misent à la moindre faiblesse, comme d’autres hyper prudents qui vont checker toutes leur nuts en espérant nous attraper. Les regrouper tous dans le même sac et adopter la même stratégie de manière monolithique n’est pas rentable. Il faut pouvoir comprendre quelle est leur tendance, le défaut de vilain pour pouvoir au mieux adapter sa stratégie. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai finalement décidé de me stabiliser à 6 tables et ne pas monter à plus pour l’instant, car je n’ai pas le temps d’avoir de bons reads quand je joue trop de tables.
La logique est la même pour les regs. Et étonnamment,, même si les joueurs sont meilleurs, quand on les comprend bien, on peut parfois faire des adaptations qu’on oserait même pas tenter avec des récréatifs…
Deux exemples avec des regs plutôt aggressifs :
et ma préférée :
Vilain est très aggressif en pot 3bet mais n’a peut-être pas encore conscience à ce stade que je le sais. Je suis certain qu’il aurait surement pris une ligne très standard de bet/bet/bet avec quoique ce soit en value (sauf KK qu’il aurait peut-être bet, check/call check/raise ou check/call, check/call, check/raise…) Que reste-t-il qui bet flop, check/raise turn sur un board si sec ? Des mains qui cherchent un maximum de fold equité contre d’éventuels floats ou value thins de ma part. Sans doute des tirages comme AT/QT/9T/AQ... En tout cas, rien qui ait suffisamment d’équité pour payer un tapis…
Mentalement, j’ai aussi l’impression d’avoir progressé.
En aout, en reprenant le grind sérieusement et en me fixant des objectifs ambitieux, je me suis mis une pression assez énorme que j’ai eu du mal à gérer. Je m’imposais un gros volume de jeu, et m’obligeais à ouvrir des tables, quand bien même la fatigue, le stress, et même le semi-tilt étaient déjà là. Il m’a fallu plusieurs dizaines de caves perdues bêtement pour enfin comprendre qu’à vouloir aller trop vite, je perdais du temps.
Je pense avoir réussi, du moins pour l’instant, à trouver un équilibre entre la nécessité de faire un gros volume, et celle de respecter mon corps et ma fatigue. C’est un peu plus compliqué que ça en a l’air, car tout n’est pas blanc ou noir. Parfois on est fatigué, mais c’est samedi soir, et il faut jouer car tout le monde fait n’importe quoi. Dans ce cas, je m’y mets prudemment. Je descends à 4 tables, je m’impose de resserrer mes ranges ou de jouer plus ABC, ou encore, je décide de partir à la première erreur.
D’autre fois, c’est toujours samedi soir, mais on est tellement KO que le mieux reste de se reposer pour le weekend. C’est emmerdant, car on sait bien que l’on perd de la value, mais on en perdrait encore plus si on jouait et qu’on tiltait dès le premier coup perdu.
Les deux dernières semaines, je suis assez content de pouvoir dire que j’ai très peu tilté, et que j’ai su gérer le seul moment un peu délicat, en début de semaine, où j’ai réalisé en pleine session que depuis quelques jours, j’étais entrain de dériver sur un de mes leaks mentaux, à savoir me focaliser sur les résultats, et non sur la qualité de mes plays. En prendre simplement conscience a suffi pour me calmer immédiatement et redresser la barre.
Globalement donc, tout va bien. La bankroll monte de manière assez régulière, et si ca continue, je devrais pouvoir faire mes premiers shots en NL50 bientôt !
Les sacrifices semblent enfin payer. Ca fait du bien, parce que je dois être le seul mec en France à être blanc comme un cul après un mois d’aout dont je ne saurais même pas dire s’il a été ensoleillé ou pas. Je n’aurai pas perdu mon été pour rien. D’autant plus qu’hors poker, ça commence à être pas mal. 5 séances de sport sur les 6 prévues, objectif presque accompli. Je ne ressemble toujours pas à Brad Pitt dans Fight Club, mais le petit bide d’archi a presque disparu. Il ne reste plus qu’à mettre quelques plaques de chocolat dessus et ma copine sera aux anges. En attendant, je l’achète au supermarché, en même temps que les ingrédients des recettes que j’apprends. Là par contre, je n’en n’ai fait qu’une seule sur les quatre prévues (bon pour ma défense, cette tortilla était vraiment pas mal). C’est le seul objectif que j’ai du mal à tenir, parce qu’il prend beaucoup de temps : trouver une idée, aller acheter les ingrédients, cuisiner, c’est 2 heures par jour en moyenne pour une recette. Désolé ma chérie, mais je vais être obligé de limiter ça à une fois par semaine.
D’autant qu’à partir du 18 septembre, je commence les cours de psycho à la fac. Ce sont 10 à 20 heures hebdomadaires qui vont être bloquées désormais, en plus du temps passé à bosser chez moi. Et vu que j’ai réussi à obtenir une équivalence qui m’a permis de passer directement en L2, je prévois que les débuts seront assez compliqués puisqu’il faudra rattraper rapidement un an de retard.
Les deux semaines qui viennent sont donc les deux dernières où je vais pouvoir jouer au poker à plein temps, et avec une disponibilité mentale élevée. Pour cette raison, je vais essayer de monter un peu les objectifs par rapport à la dernière fois :
- Continuer à bosser mon jeu / faire mes revues de session quotidiennement.
- Entamer des séances avec un nouveau coach. Surement Bapor.
- Jouer au moins 25000 mains, c’est à dire 5000 de plus que l’objectif précédent. Ca devrait pouvoir se faire vu que j’en ai envoyé 27000 ces deux dernières semaines.
- Si la bankroll me le permet, commencer à aller voir ce qu’il se passe en NL50.
- Du coup ne pas être trop rigide par rapport aux 25000 mains, car si je joue en 50, je serais surement tenté de me focus sur 4 tables. Ne pas oublier : On gagne du temps en allant lentement.
- Continuer avec mes 3 séances de sport hebdomadaires.
- Apprendre deux nouvelles recettes.
Souhaitez-moi bonne chance, surtout pour le shot en 50…
A bientôt !
Jonathan S.
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